28/10/2023
Communiqué. 28 octobre 2023
La commission des finances a voté un amendement visant à mettre fin aux disparités
des allocations de reconnaissance entre les veuves d’anciens Harkis
Dans le cadre du PLF pour 2024, la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, lors de l’examen du budget de la mission anciens combattants, a adopté mercredi 25 octobre un amendement présenté par Madame la députée Pires Beaune à la demande d’AJIR. Cet amendement a été voté par les représentants du PS, LFI, LIOT, RN et Modem. Les représentants de LR et de Renaissance ont voté contre… alors que certains députés de ces groupes nous ont assuré de leur soutien.
L’amendement vise à corriger une injustice flagrante envers les veuves d’anciens Harkis à la suite d’un empilement de textes législatifs depuis 2005.
En effet, selon la date de décès de l’ancien Harki le montant de l’allocation de reconnaissance pour les veuves varie de 700€ à … 0€ ! En fonction du décès du mari avant ou après 2005, avant ou après 2016 le montant perçu par ces veuves est soit de 0€, soit de 500€, soit de 700€. Cette situation difficilement compréhensible et injuste mérite d’être réparée rapidement. Il est regrettable que le Gouvernement, à qui ces incohérences ont été signalées par AJIR et d’autres associations, ne se soit pas emparé directement de cette question.
Pour AJIR réparer cette iniquité est un devoir moral afin de permettre aux dernières veuves encore en vie de finir leur vie plus sereinement. La plupart n’ont pas de retraite personnelle et celle de leurs défunts maris sont très modiques, l’Etat les ayant délaissés sans formation professionnelle à leur arrivée en Métropole. Le coût financier pour l’Etat (6 millions ou 11 millions si on étend l’harmonisation aux anciens Harkis) est tout à fait supportable et sera amené à diminuer par attrition naturelle d’une année sur l’autre.
AJIR a saisi Matignon et l’Elysée pour demander que cet amendement soit repris dans le projet de budget du Gouvernement qui sera présenté à l’Assemblée Nationale.
24/10/2023
Madame la Députée, Monsieur le Député,
L’an dernier a été débattue la loi actant la responsabilité de l’Etat français dans l’abandon des Harkis en 1962 et l’accueil dans des conditions indignes de ceux qui purent venir en métropole. Cette loi a été votée à la quasi-unanimité des deux chambres car c’était une avancée importante à la suite de la demande de pardon du Président de la République. Reconnaissant sa responsabilité, l’Etat s’engageait enfin dans une démarche de réparations.
Pour autant, lors des débats, de nombreux parlementaires ont souligné à raison, ses lacunes ou insuffisances et la persistance de situations iniques. Beaucoup ont déclaré que cette loi n’était qu’un pas supplémentaire sur le chemin de la réparation qu’il fallait poursuivre.
Lors d’une journée de réflexion organisée par AJIR au Sénat, en mars 2023, nous avons rappelé le chemin parcouru et pointé ce qu’il reste à faire. Nous avons transmis un rapport avec des propositions argumentées à l’Elysée, à la Secrétaire d’Etat aux anciens combattants ainsi qu’à la CNIH.
Parmi ces propositions, celle d’harmoniser l’allocation de reconnaissance des veuves d’anciens Harkis nous paraît simple à traiter et devoir l’être dès cette année. En effet il est tout à fait injuste et incompréhensible que suite à l’empilement de divers textes législatifs, certaines veuves perçoivent une allocation mensuelle de 700€, d’autres de 500€ et d’autres rien, selon … la date de décès de leur mari.
Nous vous sollicitons donc pour demander à votre groupe de déposer les amendements joints ou si cela est trop tard, de voter les amendements déjà déposés par plusieurs groupes. Vous pouvez trouver sur notre site le détail de la situation actuelle, les motivations justifiant l’amendement et des simulations de coûts. Pourriez-vous nous dire si vous acceptez de soutenir cette proposition ?
Dans l'attente de votre réponse, veuillez recevoir, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de nos salutations respectueuses.
Pour le Conseil national d’AJIR France,
Mohand Hamoumou, Président national
Ancien maire, officier de la légion d’honneur
ART. 35 N° II-CF1288
ASSEMBLÉE NATIONALE
Xx octobre 2023
________________________________________
PLF POUR 2024 - (N° 1680)
AMENDEMENT N o II-CF1288
présenté par
……………………………………………………………………………………………………
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ARTICLE 35
ÉTAT B
Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »
Cet amendement est en cours de traitement par les services de l'Assemblée.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros)
Programmes | + | - |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation
|
11 000 000 |
0 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
|
0 | 11 000 000 |
TOTAUX
|
11 000 000 | 11 000 000 |
Solde
|
0 |
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement fait suite à la loi n° 2022-229 du 23 février 2022, votée à l’unanimité, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. Les débats avaient mis en lumière le délaissement en métropole de ceux qui purent s’y réfugier, fuyant exactions et massacres. Relégués dans des structures isolées, ces hommes qui avaient servi la France et leurs femmes furent laissés sans formation professionnelle. Ils occupèrent des emplois peu rémunérés. Les retraites des veuves sont ainsi souvent en dessous de la moitié d’un smic.
La loi de 2005 avait offert à titre de reconnaissance aux anciens supplétifs et le cas échéant à leurs veuves le choix entre 3 options :
- Allocation de reconnaissance trimestrielle de 2 903€ par an sans capital
- Allocation de reconnaissance trimestrielle de 1 926€ par an + un capital de 20 000€
- Pas d’allocation trimestrielle mais un capital de 30 000€.
Pour les choix 1 et 2, en cas de décès après 2005 de l’ancien supplétif, sa veuve perçoit l’allocation si elle la demande. Si le mari est décédé avant la loi, c’est son épouse qui a choisi entre les 3 options.
Conscients de la faiblesse des revenus des veuves d’anciens supplétifs de l’armée, les parlementaires votent une allocation viagère (art 133 de la loi du 29 décembre 2015) d'un montant annuel équivalent à l’allocation de reconnaissance de l’option 1 de la loi de 2005) pour les veuves ne percevant pas d’allocation de reconnaissance sauf pour celles déjà veuves en 2005 et qui ont choisi elles-mêmes l’option capital sans allocation périodique.
Le doublement de l’allocation de reconnaissance (options 1 et 2 de la loi de 2005) suite au discours du Président de la République le 20 septembre, puis la levée de la forclusion par la loi du 23 février 2022, malgré leur intention louable, ont généré aujourd’hui des disparités injustes.
- Les veuves dont le mari est décédé avant 2016 et ayant pris l’option 2 perçoivent 500€ par mois (allocation de reconnaissance)
- Les veuves dont le mari est décédé après 2016 et ayant pris l’option 2 perçoivent 700€ par mois (allocation viagère)
- Les veuves dont le mari avaient pris l’option 3 en 2005 ne percevaient rien jusqu’à 2016 mais perçoivent depuis 700€ par mois (allocation viagère)
- Les veuves dont le mari était décédé avant 2005 et qui ont-elles mêmes choisi l’option 3 en 2005 ne perçoivent pas l’allocation viagère
Il n’y a pas de raison que les veuves dont le mari est décédé avant le 1er janvier 2016 perçoivent 40% de moins que celles dont le mari est décédé après cette date.
D’autre part la rente viagère de 700€ par mois accordée en 2016 aux veuves de harkis dont le mari avait choisi l’option 3 rend la situation injuste, par rapport aux veuves qui ont choisi elles-mêmes la même option, car le mari était décédé avant 2005. Le présent amendement propose donc de mettre un terme à ces disparités en accordant une allocation de reconnaissance et viagère identique à toutes les veuves sans tenir compte de la date de décès de leur ex conjoint.
Cet amendement propose également d'étendre la rente viagère de 700 euros par mois accordée aux veuves d'anciens supplétifs à tous les harkis eux-mêmes, dans un souci d'équité et d'équilibre. Il est en effet nécessaire d'harmoniser les différents dispositifs de reconnaissance et d'indemnisation à l'égard des harkis et de leurs conjoints qui se sont superposés, créant ce faisant des disparités dans l'indemnisation des personnes concernées.
Ce serait un acte fort de reconnaissance à l’égard de ces retraités à la pension modique faute d’avoir bénéficié à leur arrivée de formation qui aurait permis des emplois mieux rémunérés. Cette mesure couterait 11 millions en 2024 mais compte tenu de l’âge des bénéficiaires ce montant diminuerait chaque année par attrition naturelle.
Cet amendement :
- flèche 11 000 000 d'euros en AE et en CP vers l'action 07 "Action en faveur des rapatriés" du programme 169 "Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation."
- et réduit d'un montant correspondant de 11 000 000 d'euros en AE et en CP l'action 02 "Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale" du programme 158 "Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale" le nombre de personnes concernées étant en diminution.
La diminution des crédits d'un montant correspondant nous est imposée par l'article 40 de la Constitution à travers l'obligation d'un gage financier à toute nouvelle mesure. Nous espérons que le Gouvernement reprendra cette mesure et lèvera ce gage, d’autant que l’étude d’impact de la loi du 23 février 2023 prévoyait 305 millions d’euros et qu’il apparaît que même avec l’ajout de nouveaux lieux ouvrant droit à réparation, les 305 millions ne seront pas consommés en totalité.
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ART. 35 N° II-CF1290
ASSEMBLÉE NATIONALE
20 octobre 2023
________________________________________
PLF POUR 2024 - (N° 1680)
AMENDEMENT N o II-CF1290
présenté par
----------
ARTICLE 35
ÉTAT B
Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »
Cet amendement est en cours de traitement par les services de l'Assemblée.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros)
Programmes | + | - |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation | 6 000 000 | 0 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale | 0 | 6 000 000 |
Totaux | 6 000 000 | 6 000 000 |
Solde | 0 |
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement fait suite à la loi n° 2022-229 du 23 février 2022, votée à l’unanimité, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. Les débats avaient mis en lumière le délaissement en métropole de ceux qui purent s’y réfugier, fuyant exactions et massacres. Relégués dans des structures isolées, ces hommes qui avaient servi la France et leurs femmes furent laissés sans formation professionnelle. Ils occupèrent des emplois peu rémunérés. Les retraites des veuves sont ainsi souvent en dessous de la moitié d’un smic.
La loi de 2005 avait offert à titre de reconnaissance le choix entre 3 options :
- Option 1- Allocation de reconnaissance trimestrielle de 2 903€ par an sans capital
- Option 2- Allocation de reconnaissance trimestrielle de 1 926€ par an + un capital de 20 000€
- Option 3- Pas d’allocation trimestrielle mais un capital de 30 000€.
Pour les choix 1 et 2, en cas de décès après 2005 de l’ancien supplétif, sa veuve perçoit l’allocation si elle la demande. Si le mari est décédé avant la loi, c’est son épouse qui a choisi entre les 3 options.
Conscients de la faiblesse des revenus des veuves d’anciens supplétifs de l’armée, les parlementaires votent une allocation viagère (art 133 de la loi du 29 décembre 2015) d'un montant annuel équivalent à l’allocation de reconnaissance de l’option 1 de la loi de 2005) pour les veuves dont le mari décède à partir de 2016 sauf pour celles déjà veuves en 2005 et qui ont choisi elles-mêmes l’option capital sans allocation périodique.
Le doublement de l’allocation de reconnaissance (options 1 et 2 de la loi de 2005) suite au discours du Président de la République le 20 septembre, puis la levée de la forclusion par la loi du 23 février 2022, malgré leur intention louable ont généré aujourd’hui des disparités injustes.
- Les veuves dont le mari est décédé avant 2016 et ayant pris l’option 2 perçoivent 500€ par mois (allocation de reconnaissance)
- Les veuves dont le mari est décédé après 2016 et ayant pris l’option 2 perçoivent 700€ par mois (allocation viagère)
- Les veuves dont le mari avaient pris l’option 3 en 2005 ne percevaient rien jusqu’à 2016 mais perçoivent depuis 700€ par mois (allocation viagère)
- Les veuves dont le mari était décédé avant 2005 et qui ont-elles mêmes choisi l’option 3 en 2005 ne perçoivent pas l’allocation viagère
Il n’y a pas de raison que les veuves dont le mari est décédé avant le 1er janvier 2016 perçoivent 40% de moins que celles dont le mari est décédé après cette date.
D’autre part la rente viagère de 700€ par mois accordée en 2016 aux veuves de harkis dont le mari avait choisi l’option 3 rend la situation injuste, par rapport aux veuves qui ont choisi elles mêmes la même option, car le mari était décédé avant 2005. Le présent amendement propose donc de mettre un terme à ces disparités en accordant une allocation de reconnaissance et viagère identique à toutes les veuves sans tenir compte de la date de décès de leur ex conjoint.
Le présent amendement propose donc de mettre un terme à ces disparités en accordant une allocation viagère à toutes les veuves sans tenir compte de la date de décès de leur ex conjoint.
Cet amendement :
- flèche 6 000 000 d'euros en AE et en CP vers l'action 07 "Action en faveur des rapatriés" du programme 169 "Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation."
- et réduit d'un montant correspondant de 6 000 000 d'euros en AE et en CP l'action 02 "Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale" du programme 158 "Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale". Ceci bien que les parlementaires qui déposent cet amendement ne souhaitent en aucune manière réduire les crédits de ce programme.
La diminution des crédits d'un montant correspondant nous est imposée par l'article 40 de la Constitution à travers l'obligation d'un gage financier à toute nouvelle mesure. Nous espérons que le Gouvernement reprendra cette mesure et lèvera ce gage, d’autant que l’étude d’impact de la loi du 23 février 2023 prévoyait 305 millions d’euros et qu’il apparaît que même avec l’ajout de nouveaux lieux ouvrant droit à réparation, les 305 millions ne seront pas consommés en totalité.
18/10/2023
Un Harki (ou un descendant ?) a saisi le Tribunal Administratif de Montpellier pour demander que l’Etat soit condamné à lui verser 100 000 euros en réparation des préjudices subis en raison des conditions d’accueil à son arrivée en métropole après la fin de la guerre d’Algérie.
Le 8 juin 2021 tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Le Harki fait appel. La Cour d’Appel avant de juger cette affaire sollicite l’avis du Conseil d’Etat sur plusieurs points de droit.
1) Si le procès a été engagé avant le vote de la loi du 23 février 2022 et que la personne ne peut pas ou ne veut pas bénéficier de la loi, le procès peut-il se poursuivre ?
2) Si la loi n’empêche pas de saisir la justice pour demander réparation (avec des sommes plus importantes que la loi) la justice peut-elle opposer la prescription quadriennale ? (Et donc ne pas donner suite car les préjudices subis remontent à plus de 4 ans)
3) Si la prescription quadriennale est possible, le juge doit-il l’appliquer ? (Ce qui met fin au procès sans aucune réparation pour le demandeur)
4) Le juge peut-il condamner l'Etat à verser une indemnisation sur le fondement de la loi du 23 février 2022 ou doit-il renvoyer à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis ?
Les réponses du Conseil d’Etat du 6 Octobre 2023 sont claires :
- La loi du 23 février 2022 ne met pas fin aux procès engagés avant son vote.
- Pour ces procès, il appartient au juge administratif de régler les litiges dont il a été saisi en appliquant des règles de droit commun y compris les règles de prescription si elles ont été opposées à la demande d'indemnisation
- Les personnes concernées peuvent saisir la CNIH (Commission Bockel) pour bénéficier de la loi si elles sont passées par une ou plusieurs des structures listées par décret même si elles ont perdu le procès engagé.
Conclusion :
Des associations ont incité d’anciens Harkis ou leurs descendants à engager des procès contre l’Etat pour demander à titre de réparation entre 100 000 euros et un million d’euros (pour mémoire, Kader Tamazount demandait un million d’euros en première instance puis 100 000 euros en appel. Il a obtenu 15 000 euros en 2018. Il faut noter que pour Tamazount comme pour deux autres Harkis qui ont aussi obtenu 15 000 euros, le jugement final a été rendu avant le vote de la loi du 23 février 2022).
Aujourd’hui, avec cet avis du Conseil d’Etat, il est probable que la prescription quadriennale sera opposée à toute requête devant les tribunaux administratifs et les auteurs des procès seront invités à faire leur demande de réparation auprès de la CNIH via l’Onac avec le barème de la loi (entre 2 000 et 16 000 euros selon la durée de vie dans les structures de relégation reconnues).
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Avis du Conseil d'Etat du 6 octobre 2023 (dans son intégralité)
Conseil d’Etat
Avis no 475115 du 6 octobre 2023
NOR : CETX2327239V
Le Conseil d’Etat (section du contentieux, 10e et 9e chambres réunies),
Sur le rapport de la 10e chambre de la section du contentieux,
Vu la procédure suivante :
Par un arrêt no 21TL02946 du 15 juin 2023, enregistré le 15 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Toulouse, avant de statuer sur la requête de M. R… R… tendant à l’annulation du jugement no 1905403 du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa
demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait des conditions d’accueil et de vie qui ont été réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l’armée française en Algérie et à leurs familles, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1o La loi no 2022-229 du 23 février 2022, en particulier le mécanisme de réparation prévu à son article 3, trouve- t-elle à s’appliquer aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, y compris à celles d’appel et lorsque le requérant ne se prévaut pas de ce mécanisme ?
2o Dans l’hypothèse d’une réponse positive à la question précédente, l’intervention de cette loi fait-elle obstacle, lorsque la situation du requérant entre dans son champ d’application et y compris dans l’hypothèse où l’intéressé indique renoncer au bénéfice de ce dispositif législatif, à ce que la responsabilité de l’Etat puisse être examinée sur le fondement des règles du droit commun de la responsabilité de la puissance publique, lesquelles comprennent notamment la possibilité d’opposer la prescription quadriennale prévue par les dispositions de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ?
3o Dans l’hypothèse d’une réponse positive à la question précédente, le juge doit-il déclarer irrecevables les conclusions indemnitaires se fondant sur le seul droit commun de la responsabilité de la puissance publique ?
4o Dans le cas où le dispositif législatif d’indemnisation s’applique, le juge peut-il, compte tenu de son office de pleine juridiction en la matière, condamner l’Etat à verser une indemnisation sur le fondement de la loi du 23 février 2022 ou doit-il renvoyer à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation
des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles le soin d’examiner la demande ?
Des observations, enregistrées le 10 juillet 2023, ont été présentées par le ministre des armées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
– la loi no 2022-229 du 23 février 2022 ;
– le décret no 2022-393 du 18 mars 2022 ;
– le décret no 2022-394 du 18 mars 2022 ;
– le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes ;
– les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique,
Rend l’avis suivant :
1. Aux termes de l’article 1er de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines
structures sur le territoire français : « La Nation exprime sa reconnaissance envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a abandonnés./ Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire, à la suite des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie, des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, hébergés dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables. » Aux termes de l’article 3 de la même loi : « Les personnes mentionnées à l’article 1er, leurs conjoints et leurs enfants qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l’une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans ces structures. / La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixés par décret. Son montant est réputé couvrir l’ensemble des préjudices de toute nature subis en raison de ce séjour. En sont déduites, le cas échéant, les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice ». L’article 4 de cette même loi institue une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement sous statut civil de droit local et les membres de leurs familles, qui est chargée notamment de statuer sur les demandes de réparation présentées sur le fondement de l’article 3.
2. Les dispositions de la loi du 23 février 2022 citées au point 1 instituent un mécanisme de réparation forfaitaire des préjudices résultant de l’indignité des conditions d’accueil et de vie dans les lieux où ont été hébergés en France, entre 1962 et 1975, les harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie ainsi que les membres de leurs familles. Ce régime particulier d’indemnisation fait obstacle, depuis son entrée en vigueur, à ce que la responsabilité de droit commun de l’Etat puisse être recherchée au titre des mêmes dommages.
3. En l’absence de dispositions transitoires en ce sens, les dispositions de la loi du 23 février 2022 ne sont pas applicables aux instances engagées antérieurement, mettant en cause la responsabilité de l’Etat à raison de ces conditions d’accueil et de vie en France, qui étaient en cours devant les juridictions administratives à la date
d’entrée en vigueur de la loi. Pour ces instances, il appartient au juge administratif de régler les litiges dont il demeure saisi en faisant application des règles de droit commun régissant la responsabilité de l’Etat, y compris le cas échéant les règles de prescription si elles ont été opposées à la demande d’indemnisation, les personnes
concernées restant pour leur part susceptibles de saisir la commission nationale créée par l’article 4 de la loi du 23 février 2022 d’une demande d’indemnisation fondée sur les dispositions de cette loi.
4. Compte tenu de la réponse apportée à la première question posée par la cour administrative d’appel de Toulouse, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions figurant dans la demande d’avis.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d’appel de Toulouse, à M. R… R…, à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre et au ministre des armées. Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré à l’issue de la séance 25 septembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d’Etat et Mme Christelle Thomas, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 6 octobre 2023.
Le président,
J.-H. STAHL
La rapporteure,
C. THOMAS
La secrétaire,
C. RAMALAHANOHARANA
17/10/2023
Proposition d’amendement pour harmoniser les allocations de reconnaissance pour les Harkis et leurs veuves
afin de mettre fin à des disparités injustes et poursuivre le travail de reconnaissance et de réparation des préjudices subis.
Pour comprendre essayons de faire le tri entre les différentes mesures adoptées depuis 1999 .
Allocations et rentes périodiques de reconnaissance
En reconnaissance des « sacrifices consentis », la loi du 30/12/1999 accorde un revenu périodique aux Harkis pour améliorer les conditions d’existence des plus défavorisés : une rente viagère de 1 372€ par an. Cette rente est réversible aux veuves en cas de décès du mari. Elle est attribuée sous conditions d’âge (60 ans) et de ressources (en dessous du minimum vieillesse). Sont concernés environ 6 000 bénéficiaires (50%) pour un cout annuel de 9 millions d'euros.
La loi du 30/12/2002 remplace la rente viagère par une allocation de reconnaissance sans conditions de ressources et indexée sur le coût de la vie. Plus de 12 000 bénéficiaires sont concernés pour un coût annuel de 16 millions d'euros.
La Loi du 23 février 2005 propose le choix entre 3 options :
1. Allocation de reconnaissance trimestrielle de 2 903€ par an sans capital
2. Allocation de reconnaissance trimestrielle de 1 926€ par an + un capital de 20 000€
3. Pas d’allocation trimestrielle mais un capital de 30 000€
Pour les choix 1 et 2, en cas de décès après 2005 de l’ancien supplétif, sa veuve perçoit l’allocation (à l’origine trimestrielle mais aujourd’hui versée mensuellement).
Si le mari est décédé avant la loi, c’est son épouse qui a fait un choix entre les 3 options.
Le doublement de l’allocation de reconnaissance (options 1 et 2 de la loi de 2005) est voté en fin d’année 2021.
Mais l’interprétation de l’art 133 de la loi de finance rectificative de décembre 2015 puis la levée de la forclusion pour les veuves par la loi du 23 février 2022 a compliqué les choses en créant (involontairement) des disparités iniques.
L’article 133 de la loi du 29 décembre 2015 crée une allocation viagère ( d'un montant annuel équivalent à l’allocation de reconnaissance de l’option 1 de la loi de 2005) au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives (…) à condition :
1) de ne pas être remariée,
2) de vivre en France ou dans un pays de l’UE,
3) de ne pas avoir perçu en 2005 directement (donc mari vivant en 2005) le capital de 30 000€,
4) d’avoir fait la demande avant le 31 décembre 2016 ou au plus tard un an après le décès de son conjoint.
La loi du 23 février 2022 supprime la condition 4. Elle lève la forclusion et permet à des veuves (environ 200) de bénéficier de l’allocation viagère lorsqu’elles n’ont pas fait la demande avant le 31 décembre 2016 ou dans l’année suivant le décès de leur mari. (si elle remplissaient par ailleurs les 3 autres conditions signalées ci-dessus). La loi leur permet aussi de percevoir ce qu’elles n’ont pas touché depuis le décès de leur mari dans la limite maximale de 6 années.
Ces dispositions généreuses et louables conduisent cependant à des disparités difficiles à comprendre.
A. Les veuves dont le mari est décédé avant 2015 et ayant pris l’option 2 perçoivent 500€ par mois
B. Les veuves dont le mari avaient pris l’option 3 ne percevaient rien jusqu’à 2015 mais perçoivent depuis 700€
C. Les veuves qui ont pris directement l’option 3 en 2005 car le mari était décédé avant ne perçoivent rien.
D. Les veuves dont les conjoints avaient choisi l’option 1 ou 2 et qui décèdent après le 1er janvier 2016 pourront percevoir une allocation viagère alors que les maris et donc les couples auront perçu l’allocation de reconnaissance.
C’est difficilement explicable et surtout inéquitable.
Il n’y a pas de raison que les veuves dont le mari est décédé avant le 1er janvier 2016 perçoivent 40% de moins que celles dont le mari est décédé après cette date.
Les veuves dont le mari était décédé avant 2005, qui ont choisi l’option 3 et ont donc perçu elles-mêmes le capital de 30 000€ ne perçoivent pas d’allocation viagère ou de reconnaissance. C’était prévu ainsi. On peut justifier cette situation par le choix fait en 2005 (comme pour les Harkis non décédés qui avaient fait ce choix). Mais on peut objecter que d’une part, les veuves qui ont choisi l’option 3 en 2005 ont de fait aujourd’hui perçu deux fois moins que les bénéficiaires des options 1 ou 2 si on cumule capital et allocation périodique. Et d’autre part la rente viagère de 700€ par mois accordée en 2016 aux veuves de harkis ayant choisi l’option 3 rend la situation injuste et incompréhensible.
En outre, le fait que la partie allocation ou rente viagère a été doublée en 2022 modifie les conditions du choix proposé en 2005. Pour être équitable, il faudrait soit verser un capital complémentaire soit, et c’est notre préconisation, leur permettre à elles aussi de bénéficier de l’article 133 de décembre 2015.
Il serait donc juste de mettre un terme à ces disparités injustifiables. Et ce serait un acte fort de reconnaissance, de solidarité et de réparation à l’égard de ces retraité-e-s à la pension modique faute d’avoir bénéficié à leur arrivée de formation qui aurait permis d’avoir des emplois mieux rémunérés. Cette mesure, juste et généreuse permettra d’aider ces personnes à avoir une vie plus sereine après toutes les années difficiles. Cette mesure couterait 11 millions mais compte tenu de l’âge des bénéficiaires ce montant diminuerait chaque année par attrition naturelle.
Proposition d’amendement :
Verser à partir du 1er janvier 2024 à toutes les veuves d’anciens supplétifs et tous les anciens supplétifs une allocation de reconnaissance de 700€ par mois quel que fut leur choix en 2005. (Coût : 11 millions d’euros qui s’amenuisera chaque année compte tenu par attrition naturelle).
Amendement éventuel de repli :
Verser à partir du 1er janvier 2024 à toutes les veuves d’anciens supplétifs une allocation de reconnaissance de 700€ par mois quel que fut leur choix en 2005. (Coût : 6 millions d’euros qui s’amenuisera chaque année compte tenu par attrition naturelle )
28/09/2023
Lors de notre assemblée générale du 9 septembre 2023 à Riom, M. Thierry Laurent, directeur de cabinet de la secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, a affirmé que tous les dossiers de réparation des anciens harkis (première génération), considérés comme une priorité par AJIR France dans son rapport, ont été réglés. Cette affirmation est contredite par des remontées de terrain selon lesquelles il subsiste encore des dossiers non réglés. Des erreurs de calcul ont également été signalées.
Au cours d’un échange du 20 septembre dernier avec M. Thierry Laurent, le Président d'AJIR, Mohand Hamoumou, a de nouveau mis cette question sur la table, tout en rappelant que le 16 mai 2023, l'administration avait annoncé que tous les dossiers des anciens harkis seraient traités en priorité.
M. Thierry Laurent a demandé qu'AJIR centralise tous les « oublis » et lui communique tous les dossiers restés sans réponse, de manière très précise : nom, prénom, date de dépôt du dossier, numéro de rapatrié.
Il s'engage à les faire traiter rapidement par les services chargés de les instruire et de les régler.
C'est pourquoi, si vous êtes dans cette situation, il est impératif de le signaler directement aux services concernés (CNIH, Onacvg…) ou à AJIR (ajirfrancecontac@gmail.com) qui se chargera de les relayer auprès des services compétents.
De même, toutes les associations oeuvrant pour les harkis sont invitées à en informer leurs adhérents, voire à recueillir leurs dossiers et les faire remonter à ces services.
S'agissant des adhérents d'AJIR, les signalements devront être transmis à AJIR, directement ou par l'intermédiaire des délégués régionaux, pour être remis au directeur de cabinet de la secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire.
AJIR : Association Justice Information Réparation, pour les Harkis. Contact : ajirfrancecontact@gmail.com Association loi 1901 - tout don à l'association est éligible aux réductions d'impôts