AJIR Moselle : en première ligne sur le front de la mémoire !

Même en plein vacances d'été, AJIR Moselle et sa présidente poursuivent avec acharnement la bataille de la mémoire pour les anciens Harkis comme le relate un article de Hervé BOGGIO dans le Républicain Lorrain à lire ci-dessous.

 

Association Justice Information Réparation pour les Harkis

La vie dans un hameau de Forestage en PACA

 Ali Amrane, est né le 19 novembres 1962 au camp de Rivesaltes dans les Pyrenées-Orientales, issu d’une famille de 11 enfants, originaire de la grande Kabylie. Il est aujourd’hui fonctionnaire territorial, éducateur sportif, Président d’association et Adjoint au Maire de Grasse.

 

Témoignage : Je me suis toujours posé la question : est-ce que les enfants naissent dans les camps, comme moi ?

 

Les registres de mon père étaient bouleversants, tant la rigueur et la discipline quasi militaire régnaient dans e camp de Rivesaltes :

  • En rang - lever des couleurs - couvre-feu.
  • Aucune sortie sans l’autorisation du chef de camp.

 

Après un passage au camp de Bourg-Lastic, mon père, à la recherche d’un emploi fixe, est venu s’installer au hameau de forestage de Timgad à Mouans-Sartoux dans les Alpes-Maritimes en 1964. Il fût employé à l’ONF comme ses compatriotes.

 

Le hameau de Mouans-Sartoux a hébergé jusqu’ à 67 familles.

 

La vie n’était pas toujours facile. Etant éloignés du village de (3 km) nous vivions en communauté.

Les jeunes filles s’occupaient des enfants, des tâches ménagères, de l’aide aux devoirs.

Très peu de contact avec l’extérieur, sauf l’école et le club de foot pour les garçons. Nous ne recevions, ni copains, ni copines.

 

Nos pères travaillaient tous à l’ONF. Le chef de chantier faisait marcher les anciens à la baguette :

  • Garde à vous le matin après l’appel pour le départ au chantier, avec renvoi au foyer en cas de retard ou désobéissance, voire même transfert dans un autre camp.

 

Pour certains habitants, la peur d’être renvoyé en Algérie ou transféré dans un autre camp les hantait, car le chef de camp, monsieur Zenati (et son épouse) devait faire en sorte qu’il n’y ait pas de problème entre les familles et que l’ordre règne.

 

Le rôle de l’épouse du chef de camp consistait à remplir les documents administratifs et à conseiller les familles. Elle imposait aux familles de donner des prénoms français aux enfants et « elle pratiquait aussi l’art du service rendu aux familles ». C’est à dire que les familles devaient lui remettre en échange de « ses services »  des denrées alimentaires (pâtes, sucre,  farine, café et même gigots d’agneau).

Nous avons même assisté à la construction de leur maison, sur le dos des harkis, avec main-d’œuvre et matériaux de l’ONF.

 

La vie dans les camps était aussi marquée par les fêtes, baptêmes et mariages, où tout le monde était invité, ainsi que les familles voisines d’autres hameaux ou connaissances.

 

Sur le plan de l’emploi : (même si cela n’a pas été toujours facile) il faut signaler la réussite de nombreux jeunes (chefs d’entreprises, cadres, chefs de service de la fonction publique, ou élus locaux). Et sur le plan logement, 90% des familles ont pu accéder à la propriété.

 

Il y a eu aussi la création d’associations (dont je suis président aujourd’hui comme mes collègues) qui ont contribué à la réussite de plusieurs projets auprès des pouvoirs publics tels que

  • la création d’un carré musulman au cimetière.
  • Maintien d’un ancien logement au camp pour les fêtes, au siège de l’association.
  • Pose d’une stèle aux monuments aux morts de Mouans-Sartoux en hommage aux harkis, le 25 septembre 2015.
  • Pose d’une plaque sur l’ancien hameau de Timgad  de Mouans- Sartoux en souvenir de l’arrivée des Harkis dans ce camp le 12 février 1964.
  • L’aide aux devoirs et accompagnement dans les démarches administratives.

 

 Aujourd’hui à travers  ces quelques mots, je voulais avoir :

  • Une pensée  pour mon père et ma mère, qui ont tout fait pour mettre toutes les chances de notre côté, pour que nous n’ayons pas à subir le mensonge, les promesses, la haine, et l’humiliation qu’ils ont enduré.
  • Une pensée  pour le choix qu’ils ont fait, servir la France avec fidélité courage et honneur.
  • Une pensée pour ceux qui nous ont quittés.

 

L’histoire et la mémoire ne s’achètent pas, elles se transmettent

 

Mais tout n’était pas rose tous les jours ; il y avait aussi de la violence :

  • Entre les hommes, dont certains alcooliques, pour oublier disaient-ils. Ou par haine envers la France qui les avait abandonnés.
  • Des enfants battus sans raison.
  • Des mamans qui se disputaient à cause des « chicayas » entre enfants.
  • Une scolarité pas toujours facile, car nous étions victimes de racisme, à l’école comme en ville, raison pour laquelle nous avions très peu de contact avec l’extérieur.                                            
  • Nos mamans avaient plus de facilité à raconter la douleur qu’elles ressentaient d’avoir quitté leur pays, leur famille, leur terre natale. Elles ne sortaient jamais : le boulanger, l’épicier, le facteur, et même le médecin venaient sur place,  au hameau.
  • La ville de Mouans-Sartoux  avait mis en place des cours de couture et d’alphabétisation pour les jeunes mamans.
  • De nombreuses promesses de relogement faites par les préfets successifs de l’époque sont restées vaines. Il a fallu  attendre les années1980 pour le relogement des familles.
  • Un grand nombre de famille a quitté le hameau.
  • Une seule famille est restée sur place pour faire office de gardien.

 

Pour la majorité des familles l’intégration a été quasiment réussie.

 

 

 

 

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