AJIR Moselle : en première ligne sur le front de la mémoire !

Même en plein vacances d'été, AJIR Moselle et sa présidente poursuivent avec acharnement la bataille de la mémoire pour les anciens Harkis comme le relate un article de Hervé BOGGIO dans le Républicain Lorrain à lire ci-dessous.

 

Association Justice Information Réparation pour les Harkis

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Intervention de D. SCHNAPPER au Senat le 3 mars 2023

09/03/2023

Intervention de D. SCHNAPPER au Senat le 3 mars 2023

Dominique Schnapper, avec sa clarté et sa hauteur de vue habituelles, nous a offert un bel exposé. Elle a rappelé qu’en 1999, AJIR avait déjà organisé un colloque au Sénat avec André Wormser et qu’alors « les harkis demandaient avant tout la justice et la vérité. Ils avaient été les victimes de ce que j’avais appelé un piège historique » pris entre « le pouvoir français qui entendait oublier les « événements » et le pouvoir algérien qui commençait le processus de mythification du combat », début de la « rente mémorielle ». 

 

Elle a rappelé la cécité des militants de gauche sur les massacres par le Fln qu’ils avaient soutenu comme d’autre part la tentation de la droite de refouler l’histoire des harkis dont l’abandon et le sort indigne des réfugiés gênaient « la mythologie du héros du 18 juin ».

 

En politologue avertie, elle a éclairé le « rapport à la vérité qui distingue radicalement les démocraties des régimes totalitaires » et s’est interrogée sur les formes que peut prendre aujourd’hui la réparation pour des victimes pour la plupart disparues, rappelant l’importance de « reconnaître la vérité » et du besoin de faire vivre la mémoire des harkis « et celle de leurs descendants qui ont été élevés dans le traumatisme et le silence des pères ». 

 

Réparer c’est selon elle « assurer une vie décente » aux anciens mais aussi « agir pour redonner la considération et l’estime à ceux qui ont été les victimes de ce piège historique, à faire de cette mémoire un instrument de vie ». 

 

Nous vous invitons à découvrir ce très beau texte dans son intégralité ici

Remise de décoration à Mohand Hamoumou au Sénat

08/03/2023

Remise de décoration à Mohand Hamoumou au Sénat

Lors de la journée d’étude et de Réflexion du 3 mars dernier au Sénat, Dominique Schnapper a remis la cravate de Commandeur dans l’Ordre National du Mérite à Mohand Hamoumou, distinction qui lui a été décernée le 20 juin 2022 par le Président de la République.


Rappelons que Mohand a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 14 juillet 2001 par le Puis élevé au rang d’officier de la Légion d’Honneur le 14 juillet 2018, remise en juillet 2019 par le Président de la République à l’Elysée. 


Mohand Hamoumou a été élu Maire de Volvic en mars 2008 et Président de communauté de communes, puis réélu en 2014 et n’a pas souhaité se représenter en 2020. La gestion de sa commune a été récompensée par une Marianne d’Or en mars 2018.


Pour couronner son travail acharné de diffusion de l’histoire des Harkis, en juin 2018 un extrait d’une de ses publications a été proposé comme sujet au baccalauréat en juin 2018.


Lors de cette cérémonie du 3 mars, empreinte d’émotion et de solennité Mohand a choisi la sobriété du salon Coty, au Sénat et une cérémonie simple et amicale pour recevoir cette distinction des mains de son ancienne professeure de sociologie Dominique Schnapper devenue depuis son amie qui soutient son combat pour les Harkis (discours de Dominique Schnapper ci-dessous).


Entouré de sa famille, de ses ami.e.s, de nombreuses personnalités ainsi que des adhérents et invités d’AJIR, Mohand a déclaré que cette distinction est « … comme un honneur qui va au-delà de ma personne pour honorer tous ceux qui m’ont soutenu et aidé dans le parcours récompensé ».


Ci-dessous les discours prononcés lors de cette cérémonie :

 

 

Remise de la croix de commandeur de l’ordre national du Mérite
Par Madame Dominique Schnapper à Mohand Hamoumou
Sénat, 3 mars 2023

 

 

Mohand,

Nous sommes ici au milieu de tes amis, qui te connaissent et parce qu’ils te connaissent ils ont pour toi de l’amitié, une amitié reconnaissante, fidèle, fondée, comme dans les couples heureux, sur le respect réciproque et les émotions partagées et renouvelées avec le temps.


Je me compte évidemment parmi eux. 


Parce qu’ils te connaissent je ne rappellerai pas la multiplicité de tes activités et de tes fonctions, nous les connaissons, mais je voudrais profiter de l’occasion pour témoigner de mon amitié.


Je t’ai vu apparaître dans ma vie comme un étudiant, déjà instituteur, venu de Clermont-Ferrand pour s’inscrire en DEA. Tu étais recommandé par Francine Pariente qui a noué avec toi la même amitié que moi et tu souhaitais mener un travail sur les harkis. Je t’ai demandé tout de suite de préciser ta relation avec le sujet et j’éprouvais quelque crainte. Je craignais que, débutant dans la recherche, tu sois tenté par une forme d’émotion, de ressentiment ou l’intention inconsciente de « régler des comptes ». Je mettais toujours en garde les étudiants qui travaillaient sur des sujets trop proches de leurs expériences vécues et j’avais connu trop de cas où la thèse servait de catharsis, d’expression aux identités blessées. Ce qui n’est pas son rôle. 


Tu as su magistralement évité ces dérives possibles. Personne ne pouvait être indifférent au sujet ni le fils de harki ni Lucette Valensi qui s’est intéressée à toi alors que son engagement politique était très ardent en faveur de ceux qui avaient lutté pour l’indépendance, ni moi qui savais que les autorités françaises s’étaient mal conduites, mais n’avais jamais vraiment réfléchi à la question. Il est vrai que peut-être la sensibilité au problème des harkis trouvait un écho chez les juifs qui ont connu nombre de pièges historiques dans leur histoire. … En tous cas, c’est toi qui m’as sensibilisée à la question et c’est toi qui m’as instruite sur le destin des harkis. 


Ta thèse, publiée en livre en 1993, démontre combien tu as su maîtriser ton émotion, qu’il ne s’agit pas d’évacuer (d’ailleurs on ne pourrait pas le faire) et produire un travail proprement historique. C’est un modèle. Il a été le premier des travaux historiques sur le sujet et son succès est amplement mérité. Evidemment la consécration ultime date de 2018 quand un extrait a été proposé au commentaire du baccalauréat. Tu es devenu un classique, Molière, Racine, Corneille, Hamoumou…


Il faut se rendre compte qu’il te fallait du courage à l’époque. J’ai rappelé tout à l’heure l’atmosphère politique et même académique qui rendait le projet hardi. Et parce que les étudiants doués aident à la formation de leurs enseignants, c’est en réfléchissant avec toi au destin des harkis que j’ai élaboré mon concept de communauté historique ou de communauté de destin et pour répondre à ta question, je ne fais pas de différence entre ces deux concepts. Dans le monde politique il vaut mieux parler de communauté de destin parce qu’ils entendront mieux ce que nous voulons leur transmettre.


J’aurais aimé que tu fasses une carrière académique et tu aurais été un grand chercheur. Mais ta curiosité est insatiable ainsi que ton goût de la vie et de l’action. Sur le conseil avisé d’André Wormser qui fut, à la suite de son expérience de la guerre, un soutien indéfectible de la cause des harkis pendant des années, tu es aussi diplômé de l’ESSEC et tu as fait une carrière brillante dans l’industrie à Clermont-Ferrand et au Canada avant d’enseigner dans une grande école de commerce, et avant ton engagement politique qui fut aussi un succès. Tu as été maire de Volvic pendant deux mandats. 


Mais tout au long de cette carrière brillante et variée tu n’as pas oublié tes amis, tu n’as pas oublié la cause des harkis. Et tu es devenu un interlocuteur écouté et respecté des pouvoirs publics. Ton combat a été un succès avec la loi du 22 février 2022 et si toutes les conséquences n’en ont pas encore été tirées, tu as obtenu des résultats certes tardifs, mais tangibles. On peut dire non pas que tu as réussi ta vie ou ta carrière – ce qui n’a pas beaucoup de sens - mais que tu as eu, par ton activité, par ton bonheur familial, une belle vie.


Personnellement je témoigne que cela a été un bonheur de me retrouver toujours en accord complet avec tes analyses et tes engagements, ce n’est pas si fréquent… comme ce n’est pas si fréquent de retrouver, près de 40 ans après notre première rencontre, un ami fidèle à lui-même avec lequel on partage des souvenirs, mais surtout, selon la formule de Montaigne une « parfaite et entière communication ».


Je suis donc heureuse que la République que tu as si bien servie malgré tes débuts douloureux dans la vie ait ensuite reconnu tes mérites et au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés j’ai le plaisir de te remettre les insignes de commandeur de l’ordre national du mérite.  

 

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Merci chère Dominique pour tes mots chaleureux et élogieux.

 

Je te l'ai dit : je suis très heureux, que tu aies accepté de me remettre cette décoration, parce que tu m’honores de ton amitié et parce que j'ai une grande admiration pour la remarquable sociologue que tu es et pour tes qualités humaines que j'ai eu le privilège de pouvoir apprécier.


Cette décoration m’a été décernée le 20 juin de l'année dernière par le Président de la République sur son contingent personnel.  Je veux donc le remercier en premier. 


Il m'avait fait l'immense honneur de me remettre personnellement à l'Élysée la croix d'officier et certains d'entre vous étaient là.  La croix de Commandeur de l’ONM était inattendue mais comme tu me l'as dit un jour : « les décorations, il ne faut ni les demander ni les refuser ». Je la reçois donc comme une reconnaissance pour un engagement citoyen au service des autres et « au service de la France » pour reprendre les mots du Président. 


Par-delà ma modeste personne, j'ai bien conscience, et je voudrais surtout que vous en ayez conscience, que c'est tous ceux qui comme moi se dévouent bénévolement pour une cause qui les dépasse que le Président a aussi voulu honorer.
Cette décoration je veux donc la partager très sincèrement avec tous ceux qui ont permis mon parcours.  


Car si j'ai pu faire de longues études dans plusieurs disciplines, exercer des responsabilités dans des entreprises internationales, en France et au Canada ; si j’ai été maire et Président de communauté de communes, c'est parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille aimante et d'avoir rencontré des personnes qui par leur exigence, la confiance insufflée et l'amitié partagée m’ont aidé, peut-être sans s’en rendre compte, à devenir ce que je suis .


Merci donc à ma famille, ma femme et mes 3 enfants, ma mère, mes sœurs mes beaux-frères, mes neveux et nièces. Je veux associer par la pensée ceux qui ne sont pas là ou qui hélas ne sont plus là, en particulier mes 2 beaux-frères Bachir et Tahar.


J’exprime aussi un sentiment de gratitude à 4 personnes qui ont influencé mon parcours et que, chère Dominique, tu as a évoquées. 


Toi-même comme je l’ai dit, merveilleuse pédagogue qui m’a donné ce goût de la transmission, Lucette Valensi, ma directrice de thèse, immense historienne qui m’a inculqué le gout et la rigueur de la recherche historique et  Francine Pariente, admirable clinicienne, puits de science qui m’a transmis affectueusement un peu de son exigence. Et André Wormser, qui m’a aidé à décoder des milieux qui n’étaient pas celui d’où je viens. 3 femmes et un homme, 3 professeurs et un banquier, 4 amis ! 


Je voudrais terminer en remerciant tous les amis rencontrés dans l'association AJIR. Beaucoup sont là, les autres sont là par la pensée comme le général Meyer, président d’honneur d’AJIR. Cette association m’a pris beaucoup de temps mais m'a aussi beaucoup apporté humainement.


Bien sûr, chère Dominique, votre ancien élève en sociologie ne peut pas ne pas porter un regard sociologique sur ce moment.


 La récompense d'un parcours méritant vise à renforcer l'idée du mérite républicain et de l'égalité des chances. Mais on sait bien que c'est souvent l’exception qui confirme la règle, comme pour détourner l’attention d’une toute autre réalité.  Si j’ai la faiblesse de croire que tous ceux que la République reconnaît le mérite, j’ai la lucidité de penser que tous ceux qui le méritent ne sont pas toujours reconnus. L'égalité des chances est encore un combat et ne sera jamais parfaite car il y a toujours des capacités différentes de résilience et une part de chance. La mienne, comme je l'ai dit, c’est d’avoir rencontré des personnes formidables qui ont servi de modèle, de boussole parfois. Beaucoup sont là. Merci à elles.

 

Merci à vous tous.

 

 

Pour rappel le discours du Président de la République

lors de la remise de la croix d'officier de la légion d'honneur

à l'Elysée le 9 juillet 2019

 

Je reviendrai sur chacun des parcours qui sont ce soir reconnus.


 Ce soir, ce sont 5 femmes et hommes qui ont décidé, chacune et chacun dans leur domaine, avec leur parcours de vie, de s'engager profondément, développant leurs goûts et talents,  mais pas simplement pour réussir une carrière, non : pour porter un sens profond qui correspond d'ailleurs aux valeurs de notre République et à travers ces parcours de vie, ces engagements dans différentes régions de notre pays, avec des lignes de vie qui sont  pour chacune et chacun différentes, de porter haut les valeurs qui sont celles de notre République. Et c'est pourquoi je souhaitais ce soir par cette cérémonie collective lier en quelque sorte non pas leurs destins mais la reconnaissance aujourd'hui faite par la République. (…)


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Je viens de décrire la vie, d’essayer de rappeler, la vie de Jean Bassères qui est celle d'un engagement, comme  un modèle unique, avec cette force au service de l'Etat. 


La vôtre, Mohand Hamoumou, est comme un kaléidoscope. Elle est faite de plusieurs vies qui s’entrechoquent. Mais - je le crois très profondément - dont le fil rouge lui aussi est l’attachement à notre République. 


Vous avez eu une petite enfance algérienne, puis une vie française. Vous avez eu au fond DES vies  françaises, avec une France qui n'a pas toujours été au rendez-vous de sa propre dignité, de ce qu’elle vous devait. Vous avez connu les indignes camps de transit et de reclassement pour les harkis. Vous avez multiplié les formations, les diplômes, les métiers, les fonctions, puisque vous avez successivement, parfois simultanément, été instituteur, enseignant, chercheur, communicant, DRH, professeur en grandes écoles, maire et tant d’autres choses. 


Vous faites partie de ceux pour lesquels la vie n'avait rien prévu. Qu’elle n’a même pas tout de suite repêchés. 


Vous faites partie de ceux que la France a accueillis et qu'elle n'a même pas tout de suite repérés. Mais vous n’avez jamais abandonné. Jamais. Et ce parcours foisonnant qui se prête mal à la synthèse, que je vais pourtant tenter de faire, a de quoi impressionner et étourdir. On a le sentiment que vous avez cherché à faire plus que les autres, à vivre plus, plus grand, plus haut, plus fort, comme pour prouver quelque chose, comme  au fond pour compenser, réparer quelque chose. 

 

Vous êtes né en Kabylie en 1956, en pleine guerre d’Algérie. Vous avez à peine un an lorsque votre père, un harki, meurt au cours de ce qui n’était pourtant désigné alors que comme les « évènements d’Algérie ». Vous êtes rapatrié en France avec votre beau-frère, lui aussi harki, votre mère, votre sœur aînée, en juin 1962. Vous n'êtes donc qu'un enfant de 6 ans lorsque vous vous retrouvez confiné dans un camp de transit, d’abord celui du Larzac.  C’est censé n’être qu’une situation éphémère. Mais vous passerez aussi par le camp de Rivesaltes, par un hameau de forestage en Dordogne, par ces lieux dans lesquels trop d'enfants de la République sont passés et qui sont encore une part de notre vie. De ce fait, vous connaissez une scolarisation tardive, à l’âge de 8 ans.

 

 Heureusement pour vous, c'est votre beau-frère qui trouve du travail et votre famille s'installe alors à Volvic dans une petite maison dès 1967. Vous allez alors, enfin, vivre une enfance heureuse grâce au football et à l’école. Et comme pour venger le temps perdu, avec une exceptionnelle soif d'apprendre, vous vous lancez dans plusieurs voies de formation et obtenez plusieurs divers diplômes. Vous faites l'Ecole normale d'instituteurs, une maîtrise de psychologie sociale, un DESS de psychologie clinique, un DEUG de droit, décrochez un diplôme de l'ESSEC, puis un DEA et un doctorat en sociologie. Rien que ça ! Parce que quelques maitres de la République vous repèrent, vous font  confiance, vous encouragent. Mais parce que surtout, ils ne peuvent voir qu’en vous une irrépressible soif d'apprendre, de faire, de devenir, de prendre toute la place qu’on n’avait pas voulu d’abord reconnaître. 


Vous débutez votre carrière comme instituteur à Clermont-Ferrand pendant 4 ans. Vous qui n’aviez été à l'école qu’à partir de 8 ans, vous qui n’aviez eu au fond, dès la naissance, que des chances réduites aux acquêts, en tout cas pas les mêmes que les autres, vous voilà au service des enfants de France, devenant un enseignant de l'école républicaine française. Et vous continuez avec fierté. Vous menez cette mission et vous faites une thèse de doctorat sur les harkis intitulée « Les Français musulmans rapatriés, archéologie d'un silence ». Vous la soutenez en 1989, et vous la remaniez ensuite pour publier en 1993, un livre «  Et ils sont devenus harkis ». 


Dans ces travaux de recherche et de diffusion importants - et qui font date - vous conjuguez la rigueur scientifique propre à un travail de thèse et la passion déchirante des témoignages que vous avez recueillis comme le vôtre. En retraçant l'histoire des harkis, sur laquelle si peu avait alors publié, vous expliquez notamment pourquoi et comment des Algériens sont devenus harkis et quel sort funeste et indigne leur avait ensuite été réservé, brisant ainsi le terrible silence dans lequel  tant et tant d’entre eux s’étaient emmurés. 


Ce travail que vous avez mené avec force durant ces années, vous ne l'avez jamais abandonné. 


Et cette cause que vous avez portée, cette vie  qui est aussi la vôtre, c’est un travail, j'y reviendrai, encore inachevé. 
En 1989, même année, changement de cap : vous entrez dans le groupe Michelin. D'abord en tant que responsable de la communication interne, puis comme responsable de la formation des cadres pour Michelin France. Vous partez un temps au Canada pour y devenir responsable de la formation et du recrutement pour les usines du groupe et revenez en France prendre la direction du personnel dans les Vosges. 


Le groupe Lafarge vous recrute ensuite pour prendre la tête des ressources humaines et des services généraux de leur Centre international de recherche. 


Après trois années passées à ce poste, vous revenez à votre vocation première, celle de l'enseignement et de la recherche et devenez professeur de gestion de ressources humaines de prestigieux établissements : l'École de management de Lyon, le Management Institute of Paris et l'École de management de Grenoble. 


En plus de cette activité professionnelle bien remplie, et ces engagements, vous êtes élu maire de la commune de Volvic en 2008. Votre ville de cœur,  la véritable ville d'accueil. La ville où vous avez grandi. Voilà ainsi plus de dix ans que vous administrez cette commune, internationalement connue pour son eau, et aussi réputée pour sa pierre, qui compte pas moins de 4800 habitants répartis entre son centre bourg et le Puy de la bannière, ses hameaux et nombreux lieux-dits. Entre 2008 et 2014, vous avez aussi été président de la communauté de communes Volvic, Sources et Volcans qui compte près de 18.000 habitants, et Vice-président de l'Association des maires Puy de Dôme. 


Tout le monde connaît votre engagement, votre talent, votre savoir-faire pour accorder chacun. Vous avez également assuré la vice-présidence en charge du développement économique de votre communauté de communes, êtes aujourd'hui vice-président en charge de l'urbanisme de votre communauté d'agglomération qui regroupe 30 communes, près de 65.000 habitants. 


Dans le cadre de tous ces mandats, vous avez mené des actions fortes pour améliorer le bien-être de vos concitoyens, œuvrer à la vitalité de votre territoire, comme la création de trois crèches, la création de commerces de première nécessité dans des bourgs qui étaient privés jusque-là de ces derniers, la création d'une pépinière d'entreprises à Volvic, vous avez mis en œuvre ce qu’avec les ministres nous tachons chaque jour aujourd’hui de reprendre dans des territoires parfois « dé-privés », c'est à dire ce travail au quotidien consistant à se battre pour remettre de la présence, du service public, de la proximité, là aussi de l'humanité. 


Vous avez aussi pris des mesures fortes en faveur de l'environnement et du développement durable, comme le non recours aux pesticides, la suppression de l'éclairage nocturne pour lutter contre la pollution lumineuse, l'utilisation de véhicules électriques ou encore la création d’une aire de covoiturage. Pour tous ceux qui pensent que la ruralité est incompatible avec la conception des mobilités durables, comme on dit aujourd'hui, parait-il, vous avez démontré, avant même qu'on ne passe les lois en la matière, que ça n’était pas vrai. 


Il faut de la volonté, un peu de courage et de la capacité à innover. Ce volontarisme en matière d'écologie a d'ailleurs été salué l'année dernière  (2018) par une Marianne d’or couronnant dix années de politique de développement durable. 


Dans le domaine de la solidarité, vous avez mis en place des ateliers d'alphabétisation, d'aide à la recherche d'emploi, créer une aide financière en faveur de la pratique d'un sport ou d’un art, j'en passe… 


Vous avez, dans tous les domaines mobilisé, inventé, réussi à apporter des solutions concrètes à vos administrés, développer de grands événements sportifs et culturels. Je pense à Volvic Volcanique Expérience. Et réussi ainsi à créer vous-même des évènements nouveaux, des organisations nouvelles. 


Et tout au long de votre carrière, de vos mandats, vous n’avez cessé de rester fidèle à cet engagement profond qui est le vôtre.  Et de continuer à prendre la parole, la plume, de vous engager avec force pour faire connaître l'histoire des harkis. 


Dans le sillage de vos travaux de thèse, vous êtes intervenu dans de nombreux colloques internationaux, vous avez publié plusieurs livres ou contribué à des ouvrages collectifs sur la guerre d'Algérie en général et l'histoire des harkis en particulier. Vous avez régulièrement été invité à vous exprimer dans la presse, dans des émissions. Vous avez aussi milité pour la reconnaissance et la réparation de l’histoire harkie en fondant l'Association Justice Information Réparation pour les harkis (AJIR), renommée, Agir pour une juste intégration dans la République en 2007. 


En 2018 vos travaux et votre engagement sur ce sujet ont reçu une magnifique consécration puisque vous étiez cité dans les documents d'histoire des épreuves du Baccalauréat. Je ne sais pas à combien d’entre nous ça arrivera. Mais en tout cas pour vous…c’est fait ! Et c’était l’année dernière.


Mais au-delà de cela, cette consécration momentanée n’est pas la fin de ce combat. 


Grâce à vous et quelques autres nous sommes désormais sortis du silence. Nous avons récemment complété encore des dispositifs de réparation à l'égard des harkis, créer un fond de solidarité inédit pour les plus fragiles des enfants de harkis. Mais même les travaux que nous avons menés au début de ce quinquennat sont insuffisants. Je ne considère pas ces travaux comme clôturant ce que nous devons. Parce qu’il y a encore  sur ce sujet des traumatismes que nous n’avons pas levés, des corporatismes qui demeurent et des volontés de ne pas voir qui perdurent. 


Nous allons donc le ré-ouvrir. Patiemment. Ensemble. Parce qu'il y a aujourd'hui dans votre génération trop d'enfants de la République qui ont vécu dans des camps de Rivesaltes et d’ailleurs. Et dont les parents, les frères, sont parfois tombés pour la République et qui  pendant des années ont vécu dans l’indignité, dans la République sur notre sol et auxquels, pendant des décennies, on a juste expliqué qu'il n'y avait pas d’autre droit que celui de se taire. C'est pourquoi ce combat perdurera. 


Combat de reconnaissance mais aussi de réparation pour mieux intégrer les enfants et petits-enfants de harkis qui trop souvent pâtissent d’une histoire familiale meurtrie, parce que je pense que cette page est indispensable aussi pour nous même, pour pleinement réconcilier la nation avec elle-même.


 Alors, je l’ai dit, ce parcours singulier, unique, ce foisonnement d'activités, de métiers, cette soif d'apprendre, cette multiplicité de mondes, de curiosité, toute cette volonté, c'est évidemment celle de réparer ce qui n'a pas été donné, de conquérir une place qui devrait au fond vous revenir. Je pense au fond que vous avez toujours eu le sentiment d'une mission, consistant en quelque sorte à réparer par la fierté, par les honneurs conquis, par les rôles éminents occupés - et conquis ! - réparer les offenses faites à ces femmes et ces hommes qui n'avaient pas pu être reconnus par la République, pas pu aller à l'école pour défendre leurs chances et prendre la place qui leur revenait. 

 

Votre histoire est une formidable histoire de résilience républicaine. Parce que vous avez sur vos épaules toutes ces vies familiales mais bien au-delà, celles et ceux qui auraient voulu avoir la chance de pouvoir mener ces conquêtes. Vous avez su raconter leur histoire ; vous leur avez donné une voix. Vous avez su réparer les offenses et vous avez été un exemple. Vous êtes un exemple. Pour beaucoup de jeunes qui pourraient décider, par facilité, par rancœur, d’en vouloir, de se replier. 


Mais vous avez montré, par le destin qui est le vôtre, et que vous avez bâti, qu’au fond on choisit la République et qu’en la choisissant, on contribue à la faire et à la rendre plus forte. 


La France n'a pas été à la bonne hauteur, pour vous et les vôtres. La République n'a pas été digne avec vous et les vôtres mais vous ne lui en avez pas voulu. Vous l’avez épousée et vous l’avez défendue. C’est encore pire pour ceux qui vous ont manqué de respect. C’est encore pire. Mais la République française c’est ça. Des femmes et des hommes qui la font, pas parce qu’ils en héritent mais  parce qu’ils la choisissent. 

 

Alors pour toutes ces raisons, Monsieur le Maire, Monsieur le Président, pour le chercheur, l'enseignant, l’élu, l'homme qui a choisi sa vie, et qui a choisi la France malgré les blessures, malgré les affronts, qui continuera de mener ce combat, et parce que la République a terriblement besoin de ces courages et de cette dignité, je suis très heureux de vous dire l'admiration et la reconnaissance de la République française en vous faisant officier de la Légion d’Honneur.

 

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Journée du 3 mars 2023 au Senat - Suite

07/03/2023

Journée du 3 mars 2023 au Senat - Suite

En ouverture de cette journée au Palais du Luxembourg, Laurent Somon, Sénateur de la Somme, a souhaité la bienvenue aux participants dans ce lieu symbolique de la République. Des familles d’anciens Harkis ont été hébergées dans des conditions honteuses à la citadelle de Doullens, près d’Amiens, dans le département de la Somme dont il fût président du conseil général puis sénateur, d’où son intérêt pour le sujet et son parrainage de cet événement du 3 mars au Sénat. François Ruffin est aussi de ce département et était présent. Nous reviendrons sur son intervention.


Le sénateur Somon nous a dit s’être abstenu l’an dernier lors du vote de la loi. Il n’a pas voté contre car il reconnaît qu’elle marque une étape importante de reconnaissance et réparation dans le prolongement de l’action du Président Jacques Chirac en 2001. Il souligne aussi l’importance de la commission nationale indépendante, présidée par Jean Marie Bockel, qui a le pouvoir de proposer des compléments et des améliorations à la loi.


 Mais il n’a pas voté pour cette loi du 23 février 2022 car selon lui « elle est incomplète et ne va pas assez loin ». Il a rappelé d’ailleurs que même ses collègues qui ont voté la loi ont exprimé « qu’elle ne pouvait pas être un solde de toute compte », que ce n’était qu’un pas supplémentaire vers la réparation légitime de préjudices subis. 


Il se réjouit de parrainer cette journée qui, grâce aux éminents experts invités, contribuera selon lui à éclairer les parlementaires pour les aider à faire évoluer la loi. C’est bien un des objectifs d’AJIR ! 

 

 

 


(Son intervention filmée sera prochainement en ligne sur ce site)

 

Colloque au Sénat : merci aux intervenants et aux participants

06/03/2023

Colloque au Sénat : merci aux intervenants et aux participants

Ce fût une journée mémorable grâce à des interventions passionnantes de grands experts dont Boris Cyrulnik, neuro psychiatre et psychanalyste, Dominique Schnapper, sociologue et politologue, Denis Peschanski, historien, Antoine Garapon, magistrat, Frédéric Grasset, ancien ambassadeur, Samuel Deliancourt, magistrat.


Nous avons eu aussi des interventions de 4 parlementaires (Laurent Somon, Marie Pierre Richer, Philippe Tabarot, François Ruffin), du Directeur de cabinet de la Ministre chargée des anciens combattants et de la Mémoire (Thierry Laurent) et du Président de la commission de réparation pour les Harkis, Jean Marie Bockel, ancien ministre.


Dans le public, on notait les délégués régionaux et départementaux d’AJIR mais aussi des personnalités venues par intérêt pour le sujet et par soutien à notre action : Serge Barcellini, Président du Souvenir Français, Marc Delgrande, Préfet,  le Général Pierre Saint Macary, représentant l’UNC, Paul Malmassari, Directeur de la FMGA, Mohamed Nemiri, représentant l’Onac, Marie Thérèse Bérard, ancienne conseillère à Matignon, Aurélien Caron, membre du Conseil d’Etat…


Un remerciement particulier à Roger Saboureau et Patrice Boissy, présents et représentant Secours de France dont l’aide a permis d’organiser la journée au Sénat. Merci également à Karim Benmiloud, recteur d’académie, qui a remarquablement présidé la matinée et à Laurent Somon qui a parrainé cette manifestation.


Dans les jours prochains nous reviendrons sur le contenu et les apports de cette journée. Nous mettrons aussi en ligne des extraits des interventions car tout a été filmé.

 

Relation France/Algérie : un autre regard !

07/02/2023

Relation France/Algérie : un autre regard !

 Le président et l’Algérie

 

Pierre-Yves Cossé, 6 février 2023

Pour tout président de la République française, l’Algérie est un sujet d’importance. La sécurité de la France dépend pour une part de ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée. Une guerre civile en Algérie, un conflit algéro-marocain, une poussée djihadiste auraient des effets directs et indirects : afflux en France d’exilés algériens, manifestations, attentats. Un rapprochement accru de l’Algérie avec la Russie et Chine pourrait menacer notre approvisionnement en gaz et l’ensemble de nos échanges commerciaux, qui restent significatifs, même si notre position relative ne cesse de baisser. L’influence de l’Algérie en Afrique a reculé, mais une dégradation de nos relations affaiblirait encore plus nos positions sur tout le continent (sauf avec le Maroc). En politique intérieure, les réactions contradictoires des millions de Français liés à l’Algérie : doubles nationaux, descendants des pieds-noirs, des harkis ou dans une moindre mesure des soldats contingent, pèsent sur la vie politique, élections comprises et elles évoluent en fonction de l’état de nos relations.

 

Un président conscient de l’extrême sensibilité du sujet peut prendre le parti de la prudence et de la discrétion. Les échanges, à un haut niveau, seront fréquents et rarement publics, même si des manifestations officielles et protocolaires, rarement suivies d’effet, se tiennent à une fréquence régulière. Le président fait un voyage à Alger durant son mandat, sans chercher à séduire la population. Les problèmes concrets, notamment dans le domaine de la sécurité, sont traités en priorité. Des rapprochements discrets se font dans les enceintes internationales. Cette approche modeste repose sur la conviction que tous les mouvements passionnels sont à éviter et qu’une réconciliation est affaire d’une ou de plusieurs générations. Sur le plan intérieur, les injustices les plus flagrantes liées à la guerre d’Algérie sont corrigées dans la mesure du possible et des « gestes » d’apaisement proposés.

 

À la vérité, nos présidents s’en tiennent rarement à cette politique pragmatique des petits pas. À un titre ou à un autre, jusqu’à Jacques Chirac ils ont tous été impliqués dans la guerre d’Algérie. Ils ont une vision personnelle même si leurs connaissances sont très inégales, et veulent être les acteurs majeurs d’une nouvelle ère entre les deux pays. Ils évoquent la signature d’un Grand Traité ou le début d’une nouvelle histoire. Ils tentent par des bains de foule en Algérie d’accroître leur popularité et leur capacité à négocier.

 

Pendant ce temps, les contentieux anciens et nouveaux ne se règlent pas, même si les ministres français qui défilent à Alger sont ravis de l’accueil qui leur est fait, tout en repartant les mains vides. Les Algériens pratiquent une hospitalité généreuse mais s’en tiennent là. Au bout de quelques mois, plus personne ne parle des grands projets et des tensions réapparaissent.


Le choix macronien de la séduction et de l’audace

 

Emmanuel Macron, du fait de son âge, n’a pas de passé algérien. Il a considéré dès le début qu’il jouerait un rôle majeur. En campagne, le candidat fit un premier déplacement à Alger et sur une radio algérienne dénonça la colonisation comme un crime contre l’humanité. Ce propos provocant jeta un doute sur sa maturité politique et faillit lui faire perdre l’élection. Le ralliement simultané de François Bayrou lui sauva probablement la mise. Élu président, il a multiplié les déplacements en Algérie, les contacts personnels et les initiatives. Emmanuel Macron a sans nul doute séduit par sa jeunesse, son langage direct, la rapidité de ses réactions et sa maîtrise des joutes verbales son public algérien. Il a, au moins un temps, bousculé les vieillards qui tiennent les commandes à Alger. Le « vieux pays » dirigé par des jeunes, s’impose au « pays jeune » commandé par des vieux.

 

Ce dynamisme, cette jeunesse, cette accumulation des initiatives permettront-elles à cette approche « par le haut » de changer le cours des choses ? On peut en douter.

 

L’obstacle principal est Alger. Le régime des généraux , depuis l’Indépendance, est fondé sur la dénonciation permanente du colonialisme français. La France doit rester le bourreau et l’Algérie la victime. La France doit demander pardon et indemniser. La lutte anticoloniale n’est pas achevée, elle se poursuit en raison des nouveaux méfaits de l’ex-puissance coloniale. Les Généraux n’ont aucun autre fondement sur lequel il appuyer leur légitimité, plus de soixante ans après l’Indépendance : ni un régime démocratique , ni un régime islamique dur, ni un développement économique équilibré. Comme l’a très bien dit Emmanuel Macron : il est beaucoup plus rentable, au moins à court terme, d’exploiter la rente de l’anticolonialisme pour justifier les échecs. C’est plus facile, et plus populaire, en particulier chez les jeunes de plus en plus hostiles à l’ex-puissance coloniale, comme dans de nombreux pays africains.

 

Le constat des dirigeants algériens depuis 1962 est que la France finit toujours par céder (ou presque), quelle que soit la revendication algérienne. De Gaulle n’a obtenu gain de cause ni sur le monopole politique du FLN, ni sur les garanties pour les pieds-noirs ou les harkis, ni sur le Sahara. Pompidou s’est incliné sur le prix du pétrole et Mitterrand sur un prix du gaz très supérieur à celui du marché. Sur de petits contentieux financiers, sécurité sociale, transferts, confiscations, Paris obtient rarement gain de cause.

 

Reconnaissons que le plus souvent la France est une piètre négociatrice. Le négociateur français cultive une mauvaise conscience héritée de la guerre et est un homme pressé. Son homologue algérien prolonge indéfiniment les discussions, modifie les dates, il a le temps pour lui . Il sait changer d’argumentation selon les phases de la discussion : rationnelle, bienveillante, conciliante, puis colérique et menaçante, déstabilisant son partenaire. La vérité est que dans de nombreux cas le responsable algérien a une bien meilleure connaissance d’un homologue décontenancé par les différences culturelles.

 

Même sur les visas qui sont le moyen de pression français, notre politique résiste difficilement aux pressions algériennes, comme le montre notre récent et dernier recul. À la suite du refus de l’Algérie de récupérer ses ressortissants ayant commis des crimes ou des délits en France, les délivrances de visa avaient été fortement réduites (comme avec le Maroc et la Tunisie). Or le gouvernement vient de renoncer (peur pour nos approvisionnements gaziers ?).

Pourquoi les dirigeants algériens ne continueraient-ils pas sur une voie qui leur a réussi depuis 1962, quitte à faire preuve d’un réalisme discret sur les nombreuses questions qui continuent de lier les deux pays et à accepter des solutions pragmatiques ?

 

La vérité est que l’Algérie n’a que faire de la réconciliation officielle et de celle des mémoires. Un manuel d’histoire sérieux ferait apparaître les crimes de la « victime » : élimination sanglante du MNA, assassinats de Français après l’indépendance, exécution des harkis. La publication d’un tel livre est loin d’être d’actualité à Alger.

 

Les obstacles à Paris sont moindres mais réels. Beaucoup de Français, liés à l’Algérie, ne souhaitent nullement que des relations exemplaires se nouent entre les deux pays (opposants algériens, harkis, pieds noirs…) sans oublier les lobbys marocains. Quant à la population française, elle souhaite principalement que les passions ne soient pas rallumées, sans être hostile à quelques initiatives dénonçant des erreurs et des mensonges du passé. La marge de manœuvre est étroite. Le président peut présenter des excuses pour les assassinats de Maurice Audin et d’Ali Boudmendjel. Mais quid pour les centaines, voire les milliers de « suspects » qui ont subi le même sort ?

 

Le président semble vouloir avancer sur sa « voie par le haut », qui, selon lui, pourrait déboucher sur un événement de portée historique, politiquement exploitable.

 

Une visite d’État du président algérien Abdelmadjid Tebboune est prévue au mois de mai. Il semble que ce vieillard de 78 ans ait été séduit, comme bien d’autres, par cet homme jeune au franc parler. Nul doute que le président préparera avec soin ce voyage[1], qu’il y aura des moments émouvants, par exemple à Amboise auprès des tombes de compagnons d’Abd el-Kader morts dans l’isolement et le froid. Abd el-Kader est le seul héros nationaliste algérien qui ait été admiré, voire aimé, par les Français. Des accords seront peut-être signés et des flots de discours scanderont le voyage.

 

Et après le voyage ? Alger sera flatté par l’accueil fait à son président. Le passage à Amboise sera apprécié, même si la tentative de partager Abd el-Kader avec la France agacera. Mais les rapports entre la France et l’Algérie ne seront pas fondamentalement modifiés. Même si le président Tebboune en avait la volonté, il ne dispose pas du pouvoir nécessaire. Un incident et les pressions des milieux hostiles viendront rappeler que pour Alger la France reste officiellement l’ennemi héréditaire avec lequel on ne peut transiger.

 

Une politique plus modeste et plus progressive, impliquant la société civile, serait moins visible mais plus efficace. La richesse à exploiter, ce sont les multiples liens – y compris sentimentaux – qui unissent des millions de Français et d’Algériens, liens qu’il faut consolider et enrichir. Les échanges de toute nature doivent être accrus : échanges économiques, culturels, éducatifs, et un jour touristiques. Chaque opération serait conçue afin d’être avantageuse pour les deux parties. Les institutions non strictement étatiques tiendraient un rôle moteur dans cette densification des échanges : collectivités locales, universités, chambres de commerce, associations… L’Etat serait plus un facilitateur qu’un acteur, en particulier pour ne pas prêter le flanc au reproche de la recolonisation.

 

C’est ce franco-algérien quotidien et diversifié qui faciliterait la réconciliation officielle des Etats à une date… indéterminée, lorsque les circonstances seront favorables. Le rôle principal de l’Etat serait d’éviter ou de limiter les crises.

 

La limite à une telle approche n’est pas financière. Il s’agit des visas. La question est d’importance nationale, et les points de vue sont contradictoires et passionnels. Un compromis stable est nécessaire. On en est encore loin. Les facteurs à prendre en compte sont multiples. D’un côté, les accords particuliers qui nous lient dans ce domaine, les demandes pressantes exprimées par les Algériens, dont les jeunes et ceux de France, la souplesse nécessaire si l’on veut multiplier les rencontres (colloques, conférences, stages). De l’autre, les questions de sécurité (il existe des djihadistes en Algérie) une opinion en majorité hostile en France, les détournements de procédure par les Algériens (les étudiants qui ne rentrent pas) .

 

C’est probablement notre capacité à parvenir à un équilibre toléré par le plus grand monde qui déterminera l’intensité et la qualité des relations franco-algériennes dans les prochaines années.

 

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