AJIR Moselle : en première ligne sur le front de la mémoire !

Même en plein vacances d'été, AJIR Moselle et sa présidente poursuivent avec acharnement la bataille de la mémoire pour les anciens Harkis comme le relate un article de Hervé BOGGIO dans le Républicain Lorrain à lire ci-dessous.

 

Association Justice Information Réparation pour les Harkis

Rapport Stora : qu'en fera le Président ?

27/01/2021

Rapport Stora : qu'en fera le Président ?

Mohand Hamoumou, ancien maire de Volvic, professeur à Grenoble École de Management, spécialiste reconnu de l’histoire des Harkis. Auteur de nombreux ouvrages et articles sur la guerre d’Algérie, il réagit dans cette tribune à la publication du rapport de Benjamin Stora.

 

La Croix, 27 janvier 2021

Les rapports sont souvent des ballons d’essai. Ils permettent par les réactions suscitées de mesurer l’acceptabilité de futures mesures sur des sujets délicats. Avec en plus, l’avantage d’être dit par quelqu’un d’extérieur. Le rapport Stora n’échappe pas à la règle.


Le Président de la République attendait de ce rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, une aide pour panser les blessures mémorielles de composantes de la Nation (Pieds Noirs, Harkis, Immigrés, anciens appelés,…) et, en même temps, apaiser les relations avec l’Algérie dont les dirigeants font de l’histoire  de la colonisation une arme politique.


L’Algérie est un partenaire économique et géopolitique important de la France. D’où la nécessité pour renforcer les coopérations d’en finir avec les demandes algériennes lancinantes d’excuses et repentance pour la période coloniale. Sur ce point, le Président fait passer un message clair : il n’y aura ni excuses ni repentance ; ce dont on se félicite car elles ne servent à rien sauf à alimenter du ressentiment et de la surenchère, l’Algérie n’étant pas en reste question violences et barbarie avec par exemple les massacres de Harkis après la guerre.


Second message clair : la France ne donnera pas l’intégralité des archives de la période coloniale de ses 3 départements français. Qu’elles puissent en revanche être consultées facilement par les chercheurs algériens et français est légitime. Et comme il faut bien lâcher quelque chose, il y a une ouverture sur les essais nucléaires au Sahara, qui se sont poursuivis pendant et après la guerre d’Algérie grâce à des accords secrets entre De Gaulle et le FLN. Cela finira vraisemblablement par des demandes d’indemnisation.


Côté apaisement en France des différents groupes aux mémoires blessées, le rapport est décevant. Pieds Noirs et Harkis ne tarderont pas à le faire savoir. Non pour ressasser un passé ou pour s’enfermer dans des postures d’opposition politicienne mais simplement parce que le sujet est évacué comme si Benjamin Stora ne voulait pas gêner le pouvoir algérien ou ne parvenait pas à dépasser certains préjugés. Car ce n’est pas par méconnaissance tant est connue l’érudition de Benjamin Stora sur la guerre d’Algérie.


La question des Harkis est réduite à une recommandation ridicule de demande polie d’accès au territoire algérien. Or ce point, brûlant il y a encore 15 ou 20 ans, n’a plus la même acuité. La plupart des anciens harkis sont hélas décédés. Les enfants eux n’ont jamais eu de problème pour partir en vacances en Algérie voir de la famille. Naturellement, les harkis, à fortiori leurs enfants, sont pour la réconciliation entre la France, leur seule patrie et l’Algérie la terre de leurs racines.


Le rapport passe sous silence le fait que si le dossier Harki n’est toujours pas réglé c’est qu’aucun gouvernement n’a reconnu officiellement l’abandon délibéré des supplétifs et leurs familles après  les accords d’Evian du 19 mars 1962 censés garantir la sécurité de toutes les personnes. Est-ce pour ne pas rappeler que l’Algérie n’a pas respecté ses premiers accords internationaux ? Car l’encre était à peine sèche que déjà coulait le sang de harkis désarmés. Les massacres, avec d’horribles supplices, de plusieurs dizaines de milliers d’anciens harkis, notables, élus qui avaient servi la France  sont évoqués dans le rapport par ce simple euphémisme : « des représailles cruelles ». De même Benjamin Stora n’a pas repris la revendication majeure des associations nationales de harkis : une loi reconnaissant l’abandon après le 19 mars 62 et ses conséquences dramatiques.


Son rapport recommande d’accueillir au Panthéon Gisèle Halimi, avocate ayant défendu, comme Vergès, les nationalistes algériens mais aucune proposition de personnalité Pieds Noirs, ou militaire ou « harki » comme le Bachagha Boualem, Vice-Président de l’Assemblée nationale dont plusieurs de ses fils sont morts pour la France ou le capitaine Rabah Khellif qui eut le courage de désobéir  pour sauver des Pieds Noirs le 5 juillet à Oran.


Si ce rapport a le mérite d’oser dire à l’Algérie qu’il est temps d’arrêter de demander excuses, repentance ou totalité des archives pour s’engager vers des relations plus fructueuses, en revanche, parce que c’est le regard d’une seule personne, il comporte de nombreux « trous de mémoire » sur l’histoire des harkis, Pieds Noirs, militaires et Algériens avec le risque de raviver des tensions alors qu’il cherchait à les apaiser.


La balle est désormais dans le camp du Président Emmanuel Macron. A lui d’être aussi courageux que Jacques Chirac sur ces questions de mémoire. A lui d’oser des actions fortes comme une loi actant la reconnaissance et la réparation due aux Harkis.  Car sur ce dossier, de beaux discours le 25 septembre cet automne  ou -pire- le 19 mars 2022, seront au mieux inutiles. Ils ne seront que des paroles de futur candidat à la l’élection présidentielle. Comme celles de Nicolas Sarkozy en 2012 et de François Hollande en 2016. Dont personne ne fût dupe. 


En bref, si ce rapport est un ballon d’essai, l’important reste les réactions suscitées et les intentions de celui qui l’a lancé.

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